INTERVIEW 01 : Diariatou Kebe, auteur de maman noire et invisible. Livre à gagner ;)
C’est notre première interview sur le blog, et on ouvre cette nouvelle rubrique en compagnie de Diariatou Kebe (alias Clumsy).
Et on vous fait gagner son livre Maman noire et invisible !
Laissez vos commentaires à la suite de l’article. Il y aura un tirage au sort d’ici deux semaines et on postera un exemplaire plein d’ondes positives à l’heureux gagnant 🙂
Allez, c’est parti !
Y a-t-il un évènement particulier qui vous a décidée à écrire ce livre, un moment où vous vous êtes dit « allez, je me lance » ?
L’histoire du livre commence d’abord avec mon blog Clumsy.fr. Je l’ai créé quelques mois après la naissance de mon fils il y a 5 ans. Le but était de parler maternité / puériculture et éducation de mon point de vue de femme noire en France.
L’idée d’un livre m’avait déjà effleurée mais c’était dans l’ordre du rêve et pas du tout sur la thématique de la maternité. Quand je suis tombée enceinte et que j’ai vu les rayonnages des librairies / bibliothèques avec quantité de livres qui « parlent » des femmes blanches, ça m’a touchée et m’a fait me sentir exclue encore une fois. Je m’y attendais mais j’avais quelques espoirs, je pensais que pour le coup, ça serait différent. Finalement, on en revient toujours à la même absence des femmes noires dans l’espace public en dépit du fait que notre pays en compte des millions…
Comment s’est passée la recherche d’un éditeur ? L’avez-vous envoyé à de grandes maisons ?
Je n’ai pas eu à chercher d’éditeur. C’est l’éditeur qui est venu à moi. J’ai eu beaucoup de chance. À la suite d’une interview sur la place des femmes noires sur le média en ligne Slate, j’ai été contactée par Véronique de Montfort des Éditions « La Boîte à Pandore ». Plusieurs rendez-vous plus tard, je signais un contrat d’édition pour la publication de mon blog !
Quels livres pour enfants avez vous aimé quand vous étiez petite ? Certains vous ont-ils aidés à vous construire ?
Je suis une grande lectrice (enfin maintenant j’ai moins de temps hélas), je lisais de tout ! Petite, les livres de Roald Dalh faisaient partie de mes préférés et puis l’incontournable Susie Morgenstern. J’ai lu et kiffé la Comtesse de Ségur, la série des Chair de Poule, etc. J’ai peu de souvenirs d’avant. Encore plus jeune, ma mère nous racontait des contes traditionnels. J’ai commencé à dévorer les livres avant mon entrée en 6ème et depuis, je continue. En plongeant dans mes souvenirs, je me rends compte que je me « cherchais » dans ces livres et, comme je le racontais à Mrs Roots, il y a eu un tournant qui m’a marqué quand j’étais jeune lectrice : j’ai lu un livre qui s’appelle Signé Vendredi 13 et l’héroïne est métisse ! Une révélation pour moi à l’époque ! C’est donc possible ! Des gens qui me ressemblent (un peu) peuvent être des héros ?
J’ai commencé à écrire mes petites histoires avec mes propres héroïnes, à avoir du recul par rapport à mes lectures et à celles qu’on nous imposait à l’école. Du coup, j’ai commencé à lire beaucoup de fantasy et de mangas (j’en lis toujours) et j’ai découvert plus tard Hamadou Hampaté Ba qui fut pour moi une « claque ». Encore aujourd’hui, je me souviens de ce sentiment de bien-être que j’ai ressenti en lisant ces mots sur l’Afrique, tellement loin de ce qui m’avait été raconté dans mes cours d’histoire, tellement loin des clichés, vibrante et surtout Résistante. D’autres lectures d’auteurs africains m’ont beaucoup aidée, non pas à me construire mais à déconstruire surtout. J’aurais aimé lire des histoires plus jeunes, des histoires de filles comme moi !
Ça a été un manque mais pas une fin en soi parce qu’aujourd’hui je fais très attention dans mes choix de lectures pour mon fils et plus largement pour mes nièces. L’un des gros problèmes de la littérature jeunesse (en tout cas en France), quand elle ne se sert pas d’animaux à la place d’humains, c’est que lorsqu’il s’agit d’écrire un personnage noir, il est souvent « africain ». La réalité de mon fils, enfant noir né en France, qui vit dans un environnement européen, est complètement niée. Ou on ne met des enfants non-blancs que lorsqu’il s’agit d’illustrer la « diversité »… Il y a trop peu de personnages non-blancs qui vivent des aventures… L’universalité est blanche. Pour aller plus loin, le héros est souvent un petit garçon blanc valide (Titeuf, Cédric, Harry Potter, le p’tit Spirou, Boule et Bill, et j’en passe…)
Quels sont les livres que vous avez choisis pour votre enfant et que vous aimez lui lire ?
Il a les « classiques » Tchoupi, Trotro, Simon le Lapin et le Loup. Il aime bien le Loup qui voulait changer de couleur. J’ai eu la chance d’aller au Salon du Livre Jeunesse Afro Caribéen de Clichy et je lui ai pris des livres qui sont, comme je le disais plus haut, des « aventures africaines ». L’un de ses préférés est Siggly ne prête pas ses jouets et d’autres que nous avons au fur et à mesure donnés à notre entourage comme les « Coco Taillé » et « Bibi » Ed les Classiques Ivoiriens. Nous venons de commencer les contes avec Leuk le Lièvre et Bouki la Hyène. J’attends avec impatience la prochaine édition du salon pour refaire le stock !
Finalement, je lui lis moins d’histoires car nous en avons inventé une sous forme de saga avec des personnages récurrents et c’est celle-là sa préférée.
Pour vous, à quoi devraient ressembler les bibliothèques des écoles ou les rayons des librairies en termes de contenu ?
Il y a quelques temps, j’aurais répondu qu’il faut mettre de la « diversité », des livres pour tous les enfants, qu’ils soient blancs, noirs, asiatiques, des livres en braille, des livres avec des héros handicapés sans que le handicap fasse partie de l’histoire, des livres avec des super-héros féminins, etc… mais soyons réalistes, ce n’est pas par là que tout commence. Pour remplir les rayonnages des bibliothèques des écoles et des librairies, il faut commencer par se poser les questions suivantes : où sont ces auteur(e)s ? Où en est-on au niveau du recrutement dans les maisons d’éditions ? Le personnel est-il assez diversifié ? Qu’en est-il des agents littéraires ? Plutôt que de diversifier, il faut décoloniser, déconstruire les clichés, les stéréotypes, combattre les discriminations. Sinon, cela ne restera qu’un phénomène temporaire au lieu d’être durable. Il est à mon sens important de voir si les minorités ont accès à ces métiers pour pouvoir se réapproprier la narration de leur vécus. Le reste suivra, je l’espère. Si tel n’est pas le cas, le mieux reste selon moi de créer et soutenir nos propres espaces.
Avez-vous déjà pensé à écrire un livre pour les enfants ?
Oui. Mon rêve, c’est d’écrire pour la jeunesse !
Merci beaucoup à Diariatou pour cet échange. Si vous souhaitez remporter et lire son livre Maman noire et invisible, laissez-nous un petit commentaire, un avis, une question, ce que vous voulez 🙂
Le tirage au sort se fera dans 2 semaines et le nom du gagnant sera publié sur le blog, sur Facebook et twitter.
Bonne semaine à tous !
RÉSULTAT 🙂
C’est Myriam qui gagne le concours ! Bonne lecture à toi, n’hésite pas à revenir partager ton avis sur le livre.
Marine
Merci pour cette super itw, j’ai l’occasion de suivre Clumsy sur Twitter et de l’avoir également vue chez Les maternelles… Je suis heureuse que son ouvrage ait cette couverture médiatique, c’est amplement mérité ! Et j’ai un peu (beaucoup) les mêmes lectures d’enfant, entre Roald Dahl, les Chair de poule ou Les malheurs de Sophie !
aurelie
Entièrement d’accord, son livre mériterait d’être beaucoup plus médiatisé !
Et Roald Dahl est un dieu, point final 😀
Ina
Merci pour ce bel article qui me donne encore plus envie de lire le bouquin. Je suis aussi ClumsyMummy sur Twitter et j’ai pu voir son passage très instructif sur france5. Je tente donc ma chance au concours 😉
Myriam
Très bel article. Heureuse de lire des propos qui me parlent en tous points et de pouvoir me dire « d’autres ont vécu et vivent encore ceci, comme moi ». Et en prime : une méga dose de motivation et de positivité !!! Belle continuation à Diaratou. Et je profite du commentaire pour tenter ma chance pour le concours.
Emilie
Impossible de trouver le livre en bilbiothèque, j’ai pourtant très envie de le lire ! Maman moi-même depuis seulement 6 mois, je suis particulièrement friande d’ouvrages sur la maternité/puériculture.
J’en profite pour tenter ma chance pour le concours !
Margaux
Très intéressée pour en savoir plus en lisant le livre. Je découvre grâce à SquiddyKid (Billybok :-)) ce sujet de la place des noir.e.s (et de tant d’autres) dans la littérature notamment jeunesse. Pourtant évident, mais en tant que jeune blanche bien portante issue d’un milieu aisé, ce sont des questions que je ne m’étais jamais posées. Évidemment, ça pose la question de l’accès aux métiers de l’édition. Mais comme beaucoup de choses, on peut essayer de faire évoluer dans les 2 sens. Peut-être qu’en lisant des livres dans lesquels elles se reconnaissent aujourd’hui, de petites filles noires auront davantage envie (et confiance) de se lancer dans l’écriture de livres demain. J’ai envie d’y croire : faire changer les mentalités en agissant sur l’environnement.